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Photo du rédacteurMichel Picot

Bienvenue en Bourbonnie

On est quel jour ? #1


Enfin je vous donne de mes nouvelles me direz-vous ? Elles ne changeront pas la face du monde, mais elles me permettent de ne pas perdre le contact avec vous.


Nous sommes quel jour ? Je crois avoir perdu la notion du temps ici. « On est quel jour ? » : c’est certainement la question que j’entends le plus dans mon nouvel antre hospitalier (voir photo).


Ce matin, c’est du vécu, un patient à qui l’on demandait : « vous avez refait vos pansements quand ? » Réponse de l’intéressé : « hier ou avant hier, je ne sais plus" En fait, après vérification, c’était 2h plus tôt.


« On est quel jour ? » pourrait être -peut-être- un cri de patient de longue durée, pour affirmer « aujourd’hui : je suis encore vivant » ou alors pour dire, sans le dire, que ça fait long d'être ici, ou pour lancer un appel à l’aide : « j’ai perdu toute notion du temps. »

En même temps 3,6,9 ou 12 mois voire plus, ici, c’est long. En écrivant ces quelques lignes, je me souviens du bouquin de Dino Buzzatti : « Le désert des Tartares » un roman qui (wikipedia) traite de la fuite du temps, de l'attente vaine d'une reconnaissance méritée (ou pas) et d'une grande bataille finale, victorieuse et héroïque (la guérison ? ) Mais la routine aura raison du Commandant Drogo, qui décidera de rester à vie dans ce fort déserté. Il est resté par confort ? Par peur de l’extérieur ? Par crainte de cette autre vie, dehors ?


Je ne me souviens plus quand je suis rentré ici. En relisant mon dossier médical, cela remonte au 28 octobre à La Timone puis à l’IHU à Marseille avant de venir le 5 novembre à la « Bour-bonne » qui n’a rien de mauvaise (loin de là) dans sa fonction de centre de rééducation (ou réadaptation) à Aubagne, avec vue sur le mont Garlaban, cher à Marcel Pagnol.



Voilà le décor dans lequel je vais vivre durant plusieurs mois pour soigner ma hanche infectée. Il faut dire qu’ici, une journée fait au moins 36h, sauf le dimanche qui dépasse les 48h, mais encore faut-il se souvenir que c’est dimanche.


Ici, ma vie quotidienne est rythmée de rituels immuables : petits déjeuners à 7h30, Candy Krush à 7h45, Toilette à 8h, Café terrasse (avec clope : chut !) et vue sur le Garlaban à 8h30, Kiné à 9h et 14h30, déjeuner à 11h50 et diner à 17H50.

Entre temps, faites ce que vous voulez ou pouvez… car, ici, rares sont les bipèdes à deux pattes.


Je me souviens avoir promis de vous raconter, ici, mon quotidien, mais j’étais trop occupé… à ne rien faire.

Je vais apprendre à faire, mais il me faudra du temps. En même temps, je dis toujours que la meilleure qualité d’un patient, c’est la patience.

Donc on a du temps. Mais...

Moi : patient ? Oui.

Impatient ? Aussi.

Depuis quand ?

Je ne me souviens plus du jour où tout cela a commencé.

À bientôt, si j'y pense...

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