On est quel jour ? #31
C’est la dernière de l’année : Comment vit-on ce bout d’an en Bourbonnie ?
« Le jour s’est levé
Sur une étrange idée
Je crois que j’ai rêvé
Que ce soir, 2024 allait défunter… »
Mais doit-on, pour autant, en pleurer ?
En Bourbonnie, les années passent moins vite.
Au Bagne, les journées étant plus longues, on célèbre aussi cette nouvelle année en avance, histoire de rester dans le coup, mais nous avons 20 ans de retard !
Pour bon nombre de patients, 2024 a été « annus horribilis » et aura marqué leur vie à vie : Ce ne sera plus jamais comme avant. Tous le savent sans se l’avouer.
Ils se demandent : « c’est quoi demain pour moi ? »
Ce soir, nous basculons dans l’inconnu : Que sera 2025 ?
Une chose est sûre. À la clinique, le noyau dur de l’intelligence pure, fine, élégante et humaine composé de quelques patients (Gregre, Jojo, Titi, Gégé, Fifi, Frafra et Popo…) et dont je fais partie aussi, risque de se dissoudre, car nous allons tous, avec ou sans jambe et/ou bras, rentrer dans nos pénates respectives et nous ne pourrons plus philosopher ensemble, et faire avancer le monde.
Mais après nous, d’autres prendront le relais, après la vague de départs annoncés pour début janvier. Certains vont rentrer à la maison, d’autres retournent à l’hôpital (c’est mon cas) pour me faire réopérer.
À la radio :
Le titre de Dany Bal à Voile (chanteur bourbonnien, mort en plein vol, au large d’Hanoï) résonne dans les hauts-parleurs :
« j'me présente… je m’appelle Gérard … j’voudrais bien… bouffer des cafards »… (NDLR : réellement entendu en live sur la terrasse)
Puis l’animateur de RPB enchaîne avec cette question d’une hyper-méga importance :
Que nous réserve 2025 ?
Le journaliste de RPB : Radio Pirate en Bourbonnie passe alors un coup de fil à Michel de Nostradame de Saint Remy, vieux monsieur barbu vivant aujourd’hui en Bourbonnie.
Il n’a plus d’âge puisque, tenez-vous bien, en 1555, il voyait déjà l’année 2025.
Le vieux barbu sourd mais pas aveugle, nous disait qu’en 2025 : des bouleversements politiques secouant directement l'Europe, un réchauffement climatique qui ne cesse de s'accélérer et une grave crise économique entraînant des pénuries alimentaires et médicales sont annoncés.
Merde, 2025 a commencé plus tôt ?
- « Mais Monsieur de Nostradame, vous n’avez pas de bonnes nouvelles pour nous ? » lui demande le journaliste de RPB.
- Non, c’est ma marque de fabrique. Je broie du noir et je le partage avec mes mots tristes, que personne ne comprend, depuis 1555 !
« Va chier » se disent toutes les têtes bien pensantes qui écoutent la radio, sauf Popo qui s’est endormi, comme toujours, mais cette fois-ci le dodo commence le 31 décembre pour un réveil en fanfare prévu le 3 janvier. « Et tu veux passer un réveillon avec lui ? » se demande un jeune patient.
La radio donne enfin les menus de ce 31 décembre à la clinique :
Attention : Pour le midi, au restaurant : Quel que soit le menu, merci de ne pas jeter la nourriture par terre, il faut la manger à table !
Le soir du réveillon du jour de l’an se veut festif, avec un menu de gala :
Pâté en croute lapin (vivant) aux noisettes
Civet de cerf sauce grand veneur couleur bleue
Pomme duchesse poilée au briquet
St Nectaire de chez ta soeur
St Honoré revisité par qui ?
Il est où le bonheur, il est où… pour 2025 ?
La radio ne m’a pas convaincu
J’appelle donc ma copine Ginette.
- Allo Ginette ?
- Ginette, numérologue. Bonjour. Que puis-je pour vous ?
- Salut, c’est moi Michel ?
- Michel de Nostradame ?
- Non, laisse le vieux con pessimiste de côté. C’est moi, ton pote ! Dis-moi, je voudrais savoir si oui ou non, 2025 sera une année de merde ?
- Oui. Pourquoi ?
- Tu n’as pas de bonnes nouvelles ?
- Non
- Quoi tu dis ? (putain faut lui tirer les vers du nez à la vieille numérique, en même temps je ne paye pas).
- Écoute, le chiffre de 2025 est le 9 ! (2+0+2+5 = 9)
- Et ça veut dire quoi ?
Ce nombre emblématique incarne un véritable moment décisif qui marque le renouveau. En fait, vous allez clore un chapitre important et en ouvrir un autre plus palpitant […]
Le 9 ouvre un chemin vers la sagesse et l’authenticité […]
Bon : ça nous fait une belle jambe…
Quelles sont les bonnes nouvelles pour 2025 ? Personne pour répondre à notre enquête. Je me suis tourné naturellement vers l’IA et voici sa réponse à ma question :
« Malgré les défis actuels, 2025 pourrait apporter des avancées notables en termes de durabilité, de santé, et de technologie ».
Même l’intelligence artificielle ne sait pas.
Bon, pour se détendre, la radio diffuse la chanson « Le Sud » de Nino Ferrer:
Ça commence bien :
« On dirait le Sud
Le temps dure longtemps
Et la vie sûrement
Plus d'un million d'années
Et toujours en été »
On s’y croit… Cool, doux, le Sud quoi !
Mais plus loin, dans la chanson, Nino déconne
« Un jour ou l'autre
Il faudra qu'il y ait la guerre
On le sait bien
On n'aime pas ça
Mais on ne sait pas quoi faire
On dit "c'est le destin"
Tant pis pour le Sud
C'était pourtant bien
On aurait pu vivre
Plus d'un million d'années
Et toujours en été"
Ok, Ok, Ok 2025 : année de m… ?
Comme le disait Alphonse Allais : “Je ne prendrai pas de calendrier cette année, car j'ai été très mécontent de celui de l'année dernière !”
D’autant, ajouterai-je, que le 1er janvier est la fête de la circoncision, soit le 8e jour après la nativité. Ce qui fait dire à Robert Rocca, un chansonnier du début du XX siècle : “1er janvier. Sur le calendrier, on lit circoncision. Ça commence bien ! Qu'est-ce qui va nous rester à la fin de l'année ?”
Et si on parlait autrement en 2025, pour être plus positif ?
Au moyen âge : Bonjour s’écrivait « Bon Jour » et voulait dire : jour favorable, temps heureux… Pensez-y avant de le lancer comme ça !
Et c’est plus positif.
Dire « Comment ça va ? » : Ça craint. Cela signifie « est-ce que vous avez fait un bon caca ? » Préférez : « Comment allez-vous ? » « Comment vas-tu ? : là aussi c’est plus positif et sincère !
Changer de vocabulaire, c’est aussi changer son regard sur les autres, c’est aussi instaurer plus de respect dans le partage.
J’y crois, en voyant qu’ici, hormis quelques têtes de mules, le tutoiement est la règle entre patients et j’ai été surpris par l’entraide et le respect entre patients. Bienveillance et écoute sont des réalités du quotidien.
Rester dans cette maison, plusieurs mois, vous change incontestablement.
Autant en tirer le meilleur, plutôt que de subir son propre sort ?
Je parle, je parle… mais, j’ai aussi mes propres craquages et je m’aperçois que la semaine prochaine, à cette heure-ci, je serai à La Timone, en attendant de repasser sur le billard.
Je m’aperçois, aussi, qu’il est plus facile d’en vouloir à la terre entière que de décider « d’oser » pour soi.
Et pourtant la sagesse Bourbonienne (made in China) nous rappelle :
“Les grandes âmes ont de la volonté, les faibles n'ont que des souhaits.”
Et je vais plus loin, dans la prise en main de son propre destin, je dirais que malgré notre handicap, il faut s’appuyer, non pas sur sa prothèse, mais sur la prophétie auto-réalisatrice.
Les grecs y pensaient déjà, comme le philosophe Epictète qui dit :
“N'attends pas que les événements arrivent comme tu le souhaites. Décide de vouloir ce qui arrive... et tu seras heureux.”
Allez !
« Bon bout d’an » dit-on en Provence.
En Bourbonnie, on dit : « Prends toujours la vie par le bon bout »
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