On est quel jour ? #8
J’ai perdu tous mes points en deux jours ! Et j’en suis heureux, même si je continue à rouler comme un « bourrin", ici. Oui, j’ai envie d’aller vite et sortir rapidement de cette période de ma vie qui est toujours entre parenthèses.
Tous les matins, c’est le même scénario, qui s’ajoute aux autres rituels gravés dans le marbre ici : Quels moyens de locomotion utiliser ?
Pour fayoter, bien entendu, je me rends dans la salle de kiné avec mes béquilles : ça fait plus sportif !
Le déambulateur, c’est pour la chambre ou aller pisser en pleine nuit… Quand au fauteuil roulant, c’est le soir, quand je suis crevé et qu’il n’y a plus personnes dans les couloirs. Je peux alors rouler comme un bourrin vers la terrasse pour aller fumer.
Tout est réglé, sauf lorsqu’un événement intervient, c’est à dire : jamais.
Mais ce choix de mon moyen de locomotion n’est pas donné à tout le monde dans le monde de dehors. Si ?
Reste que ma jambe gauche, en réparation, ne veut toujours pas démarrer au quart de tour. Les kinés m’ont vu avec deux béquilles et en short, et là, je dois passer à une béquille (toujours en short) pour aller me faire masser et jouer à la balle entre les jambes (oui j'ai toujours mes deux jambes)
2 X 1h30 de kiné par jour et je suis vidé !
Mais ma vie ne s’arrête pas aux séances de kiné, enfin... si.
Car cette salle de tortures et de massages est un lieu particulier où tu constates qu'il y a moins de jambes que d’êtres humains présents.
Une véritable cour des miracles où tout le monde se parle : « lève toi et marche !» Il y a aussi, un garage à prothèses où s’affairent des mécano-kinés pour régler avec pince et tournevis de fausses jambes concoctées sur mesure.
Ici, on ne peut rien cacher de son statut social, avec ou sans jambe, avec ou sans sonde, en tenue de sportif du dimanche, avec une maladresse inouïe lorsqu’on réapprend à marcher à l’âge de 55 ans (je parle de moi)…
Bref les masques tombent et on constate qu’on est presque tous pareils. Je dis (encore) presque... car tous ce reluquent et doivent se dire intérieurement : « toi, il te reste encore un pied, moi j'en ai plus. Salaud. Je vais te péter le genou restant » « Lui, crâne avec sa marche déhanchée après un AVC. Prétentieux, arrête de la péter » « Mamie fait de la résistance pour marcher, alors qu’elle n’a plus d’âge… »
D’accord j’exagère un peu, mais je suis près de Marseille. Toutefois ce « reluquage" est une réalité qui nous ramène, finalement, tous, sur un même pied d’égalité… Euh, « pied » n’est peut-être pas le bon mot.
Bon, j’ai perdu tous mes points. J’en avais 38 et hop plus rien.
Ma cicatrice se porte bien et il parait (car j’ai oublié l’auteur) que : « Il n’y a pas d’héroïsme, sans cicatrices »
Signé : Votre Héros, qui vous salut bien.
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