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Photo du rédacteurMichel Picot

Quoi ma gueule ?

On est quel jour ? #14


Bienvenue en Bourbonnie !

Le pays merveilleux de la Clinique de la Bourbonne.


« J’ai 80 ans » m’a-t-il dit. Et chaque matin, à la kiné, ce Monsieur fonce. Il ne s’arrête jamais, il court ou marche vite, toujours, tout le temps, à tel point que quand la kiné lui dit de faire 15 tours de la salle en marchant, l’exercice est exécuté en moins de 2 mn et il la rappelle aussitôt, à haute voix, tel M.Parizot dans Camping Paradis : « C’est fait ! Je fais quoi maintenant ? » Il est increvable. Papy fait de la résistance et me coiffe au poteau, sans vergogne, avec son énergie débordante.


Alors qu’il court toujours en rond, le défilé des gueules (plus ou moins cassées) des patients pointent le bout de leurs nez dans la salle.

Sans sous-estimer leur douleur, curieusement cette dernière se voit sur leur visage « Toi tu as vraiment mal » « Toi tu es triste » « Mais toi, tu as la flemme » « Toi, tu baragouine toujours pour ne pas faire les exercices »… « Et toi, tu es vraiment une grosse feignasse ! »

Si moi, je le vois, que dire du personnel médical ?


J’apprends souvent, lors de mes cours de média-training, que le premier regard, la première impression que l’on peut donner à d’autres, lors d’une première rencontre, sont souvent déterminants pour la suite.

Franchement, lorsque vous voyez quelqu’un pour la première fois, votre petite voix intérieure (la coquine) vous dit tout de suite :

« il/elle a l’air sympa »

ou « il/elle a l’air con » « je lui parle ou non ? »

Et parfois même : « moche ou beau/belle ? » Sexy ou pas ? Bref… Baisable…ou pas ? »

Avouez que tout cela passe dans nos têtes en quelques secondes. Alors, oui, on peut être laid et pas baisable, mais ce n’est pas foutu pour autant, en revanche si on fait la gueule ça devient compliqué.


Mon conseil à tous mes élèves : essayez de votre redresser (j’ai l’impression d’attendre ma kiné quand je marche) et marchez avec un léger sourire, sans faire la gueule.

Ce premier contact, c’est comme une toute première fois et si « l’on m’avait conseillé, j’aurais commis moins d’erreurs (J. Mas) » car une première fois c’est valable pour toute la vie : Comment s’est passée votre première fois avec votre moitié d’aujourd’hui ? Comment s’est passée votre première fois avec votre boss, qui vient de vous recruter ?



 

En pendant ce temps en Bourbonnie …


Les hauts parleurs nous balancent toute la journée, avec une voix suave, des messages cryptées : « entrée au C2 » (?) « fin de la procédure C3 » cette dernière veut dire, je vous le rappelle, qu’ils cherchaient un patient, mais qu’ils l’ont trouvé. Enfin je crois.

 « Réunion hebdomadaire du C4 en salle de réunion » Une réunion mystère que rejoignent les hommes et les femmes en blanc (parfois en bleu aussi, mais ces bleus sont à priori des stagiaires… pour s’habiller en bleu, ces bleus).

Que se disent-ils ?

Que le 237 P va mieux, mais qu’ils s’inquiètent pour le 242 F. (???)

Et puis, tous les soirs à 19h50, changement de voix sur les hauts parleurs hurlants, certainement l’homme de la sécurité (j’ai rien contre lui) qui s’empare du micro : « Médam et Mossieu qui visitent le patient, ça finit à 20h, partez par la porte pour partir » et il pourrait ajouter « n’oubliez pas vos fleurs et vos aliments périssables » car ils ne sont pas acceptés dans l’établissement, c’est écrit dans le livre d’accueil de la Maison Bourbonniènne.

Je me dépêche alors de manger mes biscuits périssables le 8/8/2026 car serais-je sorti d’ici là ?



 

Quoi ma gueule ?

Qu’est-ce qu’elle a ma gueule ?

Quelque chose qui ne va pas ?



Oui, on lit tout sur votre gueule et même le personnel de Bourbonnie (les Bourboniens) sait lire sur ta gueule : si tu as mal, si tu peste, si tu râle, si tu fayotes : ils voient tout et s’en parlent entre eux dans leurs réunions secrètes. 242F (F comme fenêtre) tirait une gueule pas possible. Peut-être est-ce le même qui n’a pas voulu se lever de son fauteuil roulant lors d’un exercice de marche en salle de Kiné ? Il tirait une gueule, ça faisait peur.

237 P (P comme Porte) est plus souriant avec une gueule plus décontractée.


Alors, d’accord le matin au réveil, la gueule et même toute la tête sont dans le c…Mais pas la peine de faire la tête : ça passe …

Pas la peine, non plus, de faire la gueule car n’oubliez pas, comme l’écrivait Nietzsche « On ment bien de la bouche, mais avec la gueule qu’on fait en même temps, on dit la vérité. »

Tout se voit dans l’expression du visage, mais : « C’est pas parce qu’on a rien à dire, qu’il faut fermer sa gueule » (M. Audiard).



 

Et pendant ce temps en Bourbonnie …



C’est du vécu :

Un homme amputé des deux jambes est sur la terrasse de repos (faut que je vous en parle un de ces jours).

Au niveau du moignon d’une des deux jambes, ce Monsieur porte une chaussette pour… moignon…

Et voilà-t-il pas qu’il retire sa chaussette pour moignon et la renfile ! Peut-être faisait-il de même avec ses chaussettes pour les pieds ?


D'où la grande question de cette chronique : le moignon sent-il des pieds ?


Ok, je sors. Je veux éviter le délit de sale gueule

Surtout que je me suis fait gauler comme auteur de ce billet quotidien sur FB.

Faut que je me tienne à carreau avec une bonne gueule d’innocent, voire d’ange ?

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