Quel jour on est ? #9
« Tize lize ze ritmi of ze night » c’est la fête, enfin pas tout à fait, mais Miss Moto-Camion quitte cette maison, pour rentrer chez elle, après 7 mois de clinique. Elle a donc le droit de chanter en anglais : « maille life, oh yé ! »
Il faut dire qu'elle revient de loin, après avoir été renversée par une moto puis écraser par un camion dans la foulée. Elle remarche normalement…
Un miracle comme on en voit ici « souvent » me dit-on.
Miss Moto-Camion a déjà prévu sa soirée à la maison : « musique + whisky » « Sing zat song to mi » (Sing that song to me)…
Mais au delà de ces quelques notes, notre Miss d’un soir ne veut pas entendre parler de maison de retraite, non. Elle veut rester chez elle, et rappelle au passage que l’Ehpad, comme celui qui est voisin de la clinique, perd ses pensionnaires dans la nature.
Oui. Elle s’appelle Hélène, elle est une femme pas comme les autres : 88 ans, Alzheimer au compteur et elle est partie se promener toute seule dans la forêt voisine. Elle a sa photo dans les journaux, pour elle, drones et chiens ont été mobilisés. Battues organisées. Mais elle n’a toujours pas été retrouvée (ça fait presque 15 jours).
Elle n’est toujours pas revenue :
« Mais, je te dis QU'ELLE A ÉTÉ VOLÉE » rappelle avec sa grosse voix, mon voisin de table.
« Euh, tu peux voler une vieille femme comme ça, toi ? » lui demandais-je ?
« Ouais, un fada qui la fait monter dans sa voiture, puis il s’en va… »
« Mais il en fait quoi ? » (c’est moi)
« J’en sais rien, il a jette quelque part »…
Fifi le DJ municipal lance alors, une nouvelle fois : « Tize lize ze ritmi of ze night » et Miss Moto-Camion a alors repris en main la discussion en chantant sa chanson préférée, toujours avec un anglais digne de la 1e Cagole de la région (Et les cagoles sont nombreuses ici)
Mais elle n’est pas bourrée, car ici, on ne boit pas une seule goutte d’alcool, sous peine d’être viré de la clinique.
Miss Moto-Camion est simplement heureuse de partir sur ses deux pieds. Je suis heureux pour elle.
Certains partent, d’autres arrivent comme Fafa. Il est noir, mais on s’en fout, il a eu un accident de moto, il n’a plus de jambe et les mauvaises langues se sont déliées : « il est noir et il n’avait pas qu’à faire du rodéo dans les rues ». Ça balance ici, en même temps, cette remarque vient d’une mamie qui n’a plus d’âge et qui ne dira jamais rien devant l’intéressé. Une vraie vieille langue de « tepu » (merci de remettre les syllabes dans le bon ordre sur ce dernier mot)
Ainsi va la vie en « Bourbonnie, » le pays merveilleux de la Clinique Provence Bourbonne à Aubagne. Les dingueries (et autres saloperies, gentillesses et bienveillance) des patients semblent faire partie du décor et du climat.
Une façon peut-être, de passer des journées sans fin, des journées qui se ressemblent, des journées pour aller vers un mieux qui est parfois lointain, dans le but de trouver le graal (la guérison) un graal accessible qu’il ne faut pas perdre de vue.
Miss Moto-Camion a tenu le cap… Aujourd’hui, elle nous a démontré que c’est possible d’y arriver.
Elle est restée ici 7 mois.
J’y suis depuis 20 jours. Mais pour combien temps encore ?
« Il faut laisser du temps au temps. » disait Miguel de Cervantès. Et donc on se fait chier deux fois plus longtemps ? Qu’il est con cet espagnol.
Je préfère Rabelais : “Le temps mûrit toutes choses ; par le temps toutes choses viennent en évidence ; le temps est père de la vérité.”
En même temps : "c’est si bon de vivre à contretemps"… (ça c'est de moi).
Musique !
« Tize lize ze ritmi of ze night » : oh ouaaaiiis ! »
(This is the rythm of the night, Oh Yeah !)
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