top of page
Rechercher
Photo du rédacteurMichel Picot

Un p'tit truc en moins...

On est quel jour ? #24


« Est-ce que je pourrais mettre ma jambe dans le coffre ? »

voilà la condition posée par Fifi ,amputé, au taxi qu’il a réservé pour se rendre en ville…


Par ailleurs, Gégé demande à un autre patient ce matin : «eh ! tu as perdu une chaussure ? ». « Non j’ai perdu mon pied » lui répond son interlocuteur qui est nouveau, et qui est toujours habillé en vert, d’où son surnom : « le chasseur. » En plus il vit perdu dans la montagne, en totale autonomie


Fafa bénéficie du surnom : « le blond ». Il est black.


Et je vous sortirais d’autres blagues, foireuses, mais qui nous font tous rire.

L’humour est un puissant calmant ici.


Et il en faut de l’humour quand on voit , comment en une seconde une vie peut basculer.

Lui, a vécu l’enfer, en voyant un camion manoeuvrer qui lui a écrasé les deux jambes, qu’il n’a pas récupérées.


Cet autre patient me raconte pourquoi c’est lui qui a décidé l’amputation du bras après un accident de la route. Un choix « pour ne plus souffrir » me confie-t-il.

Quel cran et quel courage pour ce moins de 30 ans qui me dit : « ce qui est chiant, c’est que je ne peux plus couper ma viande dans l’assiette, quand je suis au resto ou chez moi d'ailleurs ! ».

Il est là, depuis plusieurs mois et attend sa prothèse, avec une main factice et techno, gantée en noir. Il en rêve !


Je suis fasciné par ces gens qui ont un truc en moins, mais qui vivent plus fort que vous, que moi... même si je pense que le blues doit aussi envahir leur pensée, de temps à autre.

Mais, croyez-moi, ces rencontres avec de plus esquintés que moi, me donnent un sacré un coup … positif … au moral.


Leur p’tit truc en moins ? Il le transforme en force, alors que nous, les terriens valides, faisons souvent un tout un plat, pour rien.


Leur p’tit truc est d’avoir bien souvent le sourire ou quand ils ne l’ont pas, leur offrir leur vôtre, ils vous le rendent à 1000%.

La sincérité avec vous-même pour la transmettre aux autres, je commence à y croire finalement.

« La sincérité mène à l’exactitude » (Gao Xingjian écrivain chinois) j’aime bien, cette expression qui mène vers le vrai, à la condition suprême : de ne pas se mentir à soi-même pour de bonnes ou de mauvaises raisons d’ailleurs.


 

Ma retraite au bagne, avant rénovation totale, me pousse à réfléchir sur nous, vous, eux, elles…

Depuis ma chambre d’hôpital j’aime me rappeler une question qui me hantait quand j’étais tout jeune et pour laquelle je n’ai jamais eu de réponse : « Moi : Pourquoi je suis moi ? » (Vous avez 3h !)


Quelques années plus tard, j’interroge mon psy ,car c’est mon job de poser des questions : "Pourquoi je suis moi ?" demandais-je au psy. Je l’ai scié, le psy, qui, pour seule réponse me pose une question (une règle souvent utilisée en médiatraining). « Et vous, pourquoi êtes-vous vous ? » je lui avais répondu : « parce que je suis différent ».


Aujourd’hui, je lui aurais dit « parce que j’ai truc en plus ou en moins » ?

En fait, j’ai le sentiment d’être vraiment différent dans cette société depuis longtemps. En écrivant ces lignes et ces histoires toujours basées sur des faits réels avec un peu de fiction aussi, j’en suis presque persuadé.


Je suis différent. Mais comment ?


 

  • Pourquoi ai-je abandonné mes études ?

  • Pourquoi me suis-je battu pour développer ma propre radio locale à l’âge de 16 ans ? Pourquoi en ai-je fait mon métier au niveau national en y ajoutant la TV?

  • Pour ai-je abandonné mes études ?

  • Pourquoi très peu de personnes ont cru en moi ? (pour ne pas dire m'ont écrasé moralement)


Sur ce dernier point, ici, beaucoup de patients estiment au présent et me disent : " pourquoi aussi peu de personnes croient en moi ?"

Parce que j’ai un truc en moins ? (vous choisissez le.s morceau.x entre jambes, pieds, bras, orteils, paralysie, hanche…)


En fait c’est le regard des biens portants sur la différence qui perturbe les ondes.

Il semblerait qu’ils se projettent sur nous : "et si c’était moi ?" se disent-ils. Mais cet aveuglement personnel est à double tranchant pour eux et pour la personne en difficulté.


Un ami, en fauteuil roulant, travaille sur un livre consacré à la différence et me disait que nous sommes, au départ, déjà tous différents par notre couleur de peau, notre sexe, notre façon d’être, de parler… et celle-ci ne fait pas peur.

Curieusement, lorsqu’on ajoute d’autres différences comme le handicap. Ça marche moins bien.

Mais c'est leur p'tit truc en plus ! « Enculé ! » (faut avoir vu le film)


 

J’ai espoir de remarcher normalement, mais je sais aussi que cette expérience me marquera à jamais.

Jamais plus je ne regarderai les autres comme avant, qu’ils aient ou pas un truc en plus ou en moins.

Ces moments de vérité vécus ici : j'en fais quoi ? Je crois qu’aujourd’hui je les ai intégré au plus profond de moi même.

C’est ça ma différence.

Pourvu que je ne redevienne pas trop con en sortant…

Comme cette mère de famille qui s’en prend à son petit fils : « pourquoi ton père appelle toujours son père et jamais sa mère ? Si c’est comme ça, j’annule le réveillon de Noël »


Quand on mettra les cons en orbite, elle n’a pas fini de tourner…

2 vues0 commentaire

Posts récents

Voir tout

Comentarios

Obtuvo 0 de 5 estrellas.
Aún no hay calificaciones

Agrega una calificación
bottom of page